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La « tricoche » de deux policiers qui monnayaient des fichiers confidentiels devant la justice

Florian R., 25 ans, comparaît depuis le 4 mars devant la 13e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour avoir administré une boucle sur l’application Telegram, baptisée « la Genèverie », sorte de marché en ligne sur lequel, de 2019 à 2022, les amateurs d’horlogerie suisse pouvaient s’offrir Rolex, Audemars Piguet et autres Patek Philippe contrefaites. « Prix et qualité défiant toute concurrence », promettait le patron.
La Genèverie avait diversifié ses prestations et proposait aussi de fausses cartes d’identité ou de faux permis de conduire, ainsi que l’accès à certains fichiers de police confidentiels : il était possible, contre quelques centaines d’euros, de recevoir sa fiche TAJ (traitement d’antécédents judiciaires) ou de savoir si son nom figurait au fichier des personnes recherchées (FPR), qui intéresse beaucoup certains voyous.
Voilà qui explique la présence sur le banc des prévenus de Sephora O. et Yassine G., deux ex-policiers accusés de s’être livrés à la « tricoche » – la consultation illégale de fichiers. Puisqu’il faut entrer son numéro de matricule pour accéder à ces documents sensibles, il n’a pas été difficile pour les enquêteurs de retrouver quels agents avaient pu servir, directement ou par des intermédiaires, de fournisseurs à la Genèverie.
A la barre, mardi 12 mars, Sephora O., 31 ans, ancienne policière à Ermont (Val-d’Oise), reconnaît ses torts. Elle raconte avoir d’abord « passé au fichier » ses proches qui le lui demandaient, mais aussi les ex ou les amantes de son petit ami, « par simple curiosité ». En 2021, le compteur s’emballe : de 118 en 2019, le nombre de consultations du FPR par Sephora O. passe à 265 en 2021, puis à 460 rien que pour le premier trimestre de 2022. Idem pour le TAJ : 353 consultations en 2019, 1 107 en 2021, et 996 de janvier à mars 2022.
C’est que, à la fin de 2021, un ami d’amie en lien avec la Genèverie lui a proposé un marché et s’est mis à lui envoyer des listes de noms. « J’avais contracté plusieurs crédits, j’étais fortement endettée, explique l’ex-policière. On m’a proposé de faire de l’argent, j’ai accepté sans réfléchir. » En moyenne, 50 euros par fichier consulté à la demande de cet ami (qui les revendait lui-même cinq fois plus cher) : de quoi mettre un peu de beurre dans ses 1 630 euros de salaire mensuels. « Ça m’a permis de rembourser quelques crédits. »
Ces consultations illégales pouvaient avoir un réel impact : en mars 2022, lors d’une opération policière contre les protagonistes d’un « go fast », la section de recherches d’Orléans avait constaté qu’un de ses « objectifs » avait pris la fuite la veille. Cinq jours avant l’opération, la fiche FPR de cet homme, finalement arrêté une semaine plus tard, avait été consultée par Sephora O.
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